En France, le Plan d’Épargne Retraite (PER) représente un dispositif fiscal avantageux pour préparer sa retraite. Parallèlement, le cumul emploi-retraite permet aux retraités de poursuivre une activité professionnelle tout en percevant leur pension. Cette configuration spécifique soulève des questions complexes en matière de fiscalité. Comment le PER s’articule-t-il avec le statut de retraité actif? Quels avantages fiscaux peut-on en tirer? Quelles sont les règles applicables aux versements et aux retraits? Nous analyserons les mécanismes fiscaux du PER dans le cadre du cumul emploi-retraite, en explorant les stratégies d’optimisation fiscale adaptées à cette situation particulière.
Fondamentaux du PER et du cumul emploi-retraite : cadre juridique et fiscal
Le Plan d’Épargne Retraite (PER), instauré par la loi PACTE du 22 mai 2019, constitue un dispositif d’épargne à long terme destiné à compléter les revenus de retraite. Il se décline en trois formes: le PER individuel, le PER d’entreprise collectif (PERECO) et le PER d’entreprise obligatoire (PERO). Ce véhicule d’épargne offre une souplesse considérable tant au niveau des versements que des options de sortie.
Le cumul emploi-retraite, quant à lui, permet à un retraité de reprendre une activité professionnelle tout en continuant à percevoir sa pension de retraite. Depuis la réforme des retraites de 2014, les droits à la retraite ne sont plus acquis pendant cette période de cumul, même si des cotisations sociales sont prélevées sur les revenus d’activité.
La fiscalité de ces deux dispositifs s’entremêle de façon complexe. Pour le PER, le principe de base est celui de la déductibilité des versements volontaires du revenu imposable, dans la limite de plafonds définis par le Code général des impôts. À la sortie, les sommes sont soumises à l’impôt sur le revenu, avec des modalités différentes selon qu’il s’agit du capital ou des rentes.
Plafonds de déduction fiscale applicables
Les versements volontaires sur un PER sont déductibles du revenu global dans la limite d’un plafond annuel égal à 10% des revenus professionnels de l’année précédente, limités à 8 Plafonds Annuels de la Sécurité Sociale (PASS), ou 10% du PASS si ce montant est plus élevé. Pour 2023, avec un PASS fixé à 43 992 euros, le plafond de déduction s’élève donc à 35 193,60 euros pour la majorité des contribuables.
Dans le cadre du cumul emploi-retraite, le retraité actif bénéficie toujours de ce plafond de déduction, calculé sur la base de ses nouveaux revenus professionnels. C’est un avantage fiscal considérable, particulièrement pour les personnes disposant de revenus substantiels durant cette période.
- Pour un salarié en cumul emploi-retraite: déduction basée sur les salaires perçus
- Pour un indépendant en cumul emploi-retraite: déduction basée sur les bénéfices professionnels
- Pour les professions libérales: règles spécifiques selon le régime fiscal
Le droit fiscal prévoit par ailleurs un mécanisme de report des plafonds non utilisés des trois années précédentes, permettant d’optimiser la déduction fiscale lors d’années à forte capacité d’épargne. Cette disposition s’avère particulièrement avantageuse pour les retraités actifs qui disposent souvent d’une capacité d’épargne accrue.
La combinaison de ces règles fiscales avec le statut de retraité actif crée un environnement fiscal unique, où l’optimisation devient un enjeu stratégique majeur. Les interactions entre l’impôt sur le revenu, les prélèvements sociaux et les différentes sources de revenus (pension, salaire, rente) nécessitent une approche globale et personnalisée.
Stratégies de versements sur le PER pour les retraités actifs
Pour les personnes en situation de cumul emploi-retraite, les stratégies de versements sur le PER doivent être soigneusement élaborées afin d’optimiser l’avantage fiscal. La première considération porte sur le taux marginal d’imposition auquel est soumis le retraité actif. Plus ce taux est élevé, plus l’avantage fiscal lié à la déduction des versements est significatif.
Prenons l’exemple d’un retraité qui perçoit une pension annuelle de 30 000 euros et qui reprend une activité lui rapportant 40 000 euros par an. Son revenu global le place dans la tranche marginale d’imposition à 30%. Chaque euro versé sur son PER lui permet donc d’économiser 0,30 euro d’impôt. Sur un versement annuel de 10 000 euros, l’économie d’impôt s’élèverait à 3 000 euros.
Timing optimal des versements
Le moment choisi pour effectuer les versements revêt une importance particulière. Une pratique judicieuse consiste à concentrer les versements sur les années où les revenus d’activité sont les plus élevés, maximisant ainsi l’effet de la déduction fiscale. Pour un retraité entrepreneur dont les revenus peuvent varier significativement d’une année à l’autre, cette approche s’avère particulièrement pertinente.
Par exemple, si le retraité actif anticipe une année particulièrement lucrative en raison d’un contrat exceptionnel ou d’une mission spécifique, il peut être judicieux de programmer un versement substantiel sur son PER cette année-là, utilisant éventuellement le report des plafonds non utilisés des années précédentes.
La fin d’année fiscale constitue traditionnellement une période propice pour effectuer des versements sur le PER, permettant d’ajuster le montant après une estimation précise des revenus annuels. Toutefois, certains contribuables privilégient des versements mensuels ou trimestriels pour lisser l’effort d’épargne.
- Versement en fin d’année: permet d’ajuster en fonction du revenu réel
- Versements périodiques: facilitent la gestion de trésorerie
- Versements exceptionnels: adaptés aux revenus irréguliers
Une autre stratégie consiste à moduler les versements en fonction de l’évolution prévisible de la situation fiscale. Si le retraité actif envisage de réduire progressivement son activité professionnelle, il peut être pertinent d’effectuer des versements plus importants tant que ses revenus d’activité maintiennent son taux marginal d’imposition à un niveau élevé.
Pour les couples mariés ou pacsés, une réflexion commune sur l’utilisation des plafonds de déduction de chaque membre du couple peut déboucher sur des optimisations significatives, notamment si les conjoints se trouvent dans des tranches marginales d’imposition différentes.
Les versements sur un PER dans le cadre d’un cumul emploi-retraite doivent s’inscrire dans une stratégie patrimoniale globale, prenant en compte non seulement l’aspect fiscal immédiat mais aussi les perspectives de revenus futurs et les besoins de liquidité à moyen terme.
Modalités de sortie du PER et implications fiscales spécifiques
La sortie du PER constitue une étape déterminante dans l’optimisation fiscale pour les retraités actifs. Contrairement aux actifs classiques, les personnes en cumul emploi-retraite se trouvent déjà en situation de liquidation de leurs droits à la retraite, ce qui modifie considérablement les options de sortie disponibles et leur traitement fiscal.
Le PER offre deux modalités principales de sortie: en capital ou en rente viagère. Pour un retraité actif, la sortie en capital présente un intérêt particulier puisqu’elle est possible sans condition liée à l’acquisition d’une résidence principale à la retraite, cette dernière étant déjà effective. La fiscalité applicable varie selon l’origine des sommes.
Fiscalité des sorties en capital
Pour les versements volontaires ayant fait l’objet d’une déduction fiscale, la sortie en capital est soumise au barème progressif de l’impôt sur le revenu. Toutefois, le capital peut bénéficier, sur option du contribuable, du prélèvement forfaitaire unique (PFU) à 12,8% pour la part correspondant aux gains générés. La part correspondant aux versements reste quant à elle soumise au barème progressif.
Pour un retraité actif dont les revenus globaux sont significatifs, l’option pour le PFU peut s’avérer avantageuse pour la part correspondant aux gains, particulièrement si son taux marginal d’imposition dépasse 12,8%. Cette analyse doit être effectuée au cas par cas, en fonction de la situation fiscale globale du contribuable.
Les prélèvements sociaux, au taux de 17,2%, s’appliquent uniquement sur les gains réalisés, quelle que soit l’option fiscale choisie. Cette charge fiscale supplémentaire doit être intégrée dans les calculs d’optimisation.
Rente viagère et fiscalité adaptée
La sortie en rente viagère présente une fiscalité distincte. La rente issue des versements volontaires ayant bénéficié d’une déduction est imposée selon le régime des pensions et retraites, avec application de l’abattement de 10%. Pour un retraité actif, cette rente vient s’ajouter aux autres pensions déjà perçues et aux revenus d’activité, potentiellement augmentant le taux marginal d’imposition.
En revanche, la rente issue des gains générés bénéficie du régime plus favorable des rentes viagères à titre onéreux, avec un abattement dont le taux varie selon l’âge du bénéficiaire au moment de l’entrée en jouissance de la rente:
- 70% si l’âge est inférieur à 50 ans
- 50% si l’âge est compris entre 50 et 59 ans
- 40% si l’âge est compris entre 60 et 69 ans
- 30% si l’âge est supérieur à 69 ans
Pour un retraité actif généralement âgé de plus de 60 ans, l’abattement applicable serait donc de 40% ou 30%, ce qui reste avantageux par rapport à l’imposition des revenus d’activité.
Une stratégie mixte, combinant sortie partielle en capital et sortie partielle en rente, peut permettre d’optimiser la fiscalité tout en sécurisant un revenu complémentaire régulier. Cette approche répond particulièrement bien aux besoins des retraités actifs qui cherchent à la fois à disposer de liquidités et à s’assurer un complément de revenu stable sur le long terme.
La temporalité des sorties constitue un levier d’optimisation supplémentaire. Un fractionnement des retraits sur plusieurs exercices fiscaux peut permettre de lisser l’impact fiscal, évitant ainsi une concentration excessive de revenus sur une seule année qui pourrait propulser le contribuable dans une tranche marginale d’imposition supérieure.
Articulation entre PER et autres dispositifs fiscaux en cumul emploi-retraite
L’optimisation fiscale pour un retraité actif ne se limite pas au seul PER. Elle doit s’inscrire dans une vision globale intégrant l’ensemble des dispositifs fiscaux disponibles. Cette articulation permet de construire une stratégie cohérente, maximisant les avantages tout en respectant les contraintes légales.
Le cumul emploi-retraite génère une situation fiscale particulière où se côtoient des revenus de natures différentes: pensions de retraite, revenus d’activité, éventuellement revenus fonciers ou financiers. Chaque source de revenu obéit à des règles fiscales spécifiques qui peuvent interagir avec la fiscalité du PER.
PER et réductions d’impôt
La déduction des versements sur le PER s’applique sur le revenu global avant application des réductions et crédits d’impôt. Cette caractéristique est fondamentale dans l’élaboration d’une stratégie d’optimisation fiscale globale. En effet, un retraité actif peut combiner la déduction PER avec d’autres dispositifs de réduction fiscale comme:
- Les investissements dans les FIP (Fonds d’Investissement de Proximité) ou FCPI (Fonds Communs de Placement dans l’Innovation)
- Les dispositifs de défiscalisation immobilière comme le Pinel ou le Denormandie
- Les réductions liées à l’emploi d’un salarié à domicile
La complémentarité entre ces différents mécanismes permet d’optimiser l’imposition globale. Par exemple, la déduction PER réduit le revenu imposable et donc potentiellement le taux marginal d’imposition, tandis que les réductions d’impôt s’appliquent directement sur le montant de l’impôt calculé.
Cette articulation doit tenir compte du plafonnement global des niches fiscales, fixé à 10 000 euros par an pour la plupart des dispositifs. Il est à noter que la déduction des versements sur le PER n’entre pas dans ce plafonnement, ce qui en fait un outil particulièrement intéressant dans une stratégie d’optimisation fiscale large.
PER et fiscalité du patrimoine
Le PER présente des caractéristiques avantageuses en matière de fiscalité patrimoniale. Les sommes investies dans un PER sont exclues de l’assiette de l’Impôt sur la Fortune Immobilière (IFI), ce qui peut représenter un avantage significatif pour les retraités actifs disposant d’un patrimoine immobilier conséquent.
En matière de transmission, le PER offre des options intéressantes: en cas de décès de l’assuré, les sommes épargnées peuvent être transmises sous forme de capital ou de rente aux bénéficiaires désignés. Le capital transmis est alors exonéré de droits de succession dans les limites fixées par l’article 757 B du Code général des impôts (versements effectués avant 70 ans) et l’article 990 I (prélèvement spécifique après abattement de 152 500 euros par bénéficiaire).
Pour un retraité actif soucieux d’optimiser la transmission de son patrimoine, le PER peut donc s’intégrer efficacement dans une stratégie successorale globale, en complément d’autres dispositifs comme les donations, le démembrement de propriété ou l’assurance-vie.
L’articulation entre le PER et l’assurance-vie mérite une attention particulière. Ces deux enveloppes présentent des caractéristiques fiscales différentes mais complémentaires. L’assurance-vie offre une plus grande souplesse en termes de retraits et une fiscalité avantageuse après 8 ans de détention (abattement annuel de 4 600 euros pour une personne seule sur les intérêts, puis prélèvement forfaitaire de 7,5% au-delà). Une stratégie d’allocation entre PER et assurance-vie permet d’optimiser la fiscalité tant en phase d’épargne qu’en phase de décumulation.
L’équilibre entre ces différents dispositifs doit être déterminé en fonction de la situation personnelle du retraité actif, de ses objectifs patrimoniaux et de sa sensibilité au risque. Une approche personnalisée, tenant compte de l’ensemble des paramètres fiscaux et patrimoniaux, est indispensable pour construire une stratégie véritablement optimisée.
Perspectives d’évolution et recommandations pratiques
La fiscalité du PER dans le cadre du cumul emploi-retraite s’inscrit dans un environnement législatif et réglementaire en constante évolution. Les réformes successives des retraites, les ajustements fiscaux annuels et les évolutions sociétales influencent directement ce domaine. Une veille active et une capacité d’adaptation sont donc nécessaires pour maintenir une stratégie d’optimisation efficace.
Les dernières années ont vu l’émergence de plusieurs tendances de fond qui devraient se poursuivre. La promotion de l’épargne retraite par capitalisation constitue un axe fort de la politique gouvernementale, comme en témoigne le succès du PER avec plus de 6 millions de contrats ouverts depuis sa création. Parallèlement, l’encouragement au maintien en activité des seniors s’affirme comme une réponse aux défis démographiques et au financement des retraites.
Anticipation des évolutions législatives
Plusieurs évolutions législatives pourraient impacter la fiscalité du PER dans les années à venir. La question de la réforme fiscale globale, régulièrement évoquée, pourrait modifier les tranches d’imposition et donc l’intérêt relatif de la déduction fiscale à l’entrée. De même, l’évolution des prélèvements sociaux mérite une attention particulière, leur taux ayant connu des variations significatives par le passé.
La réforme des retraites pourrait aussi modifier les règles du cumul emploi-retraite, notamment en réintroduisant l’acquisition de droits supplémentaires pendant cette période, ce qui renforcerait l’attrait de ce dispositif et pourrait indirectement impacter les stratégies d’utilisation du PER.
Face à ces incertitudes, une approche prudente consiste à diversifier les enveloppes d’épargne et à maintenir une certaine flexibilité dans sa stratégie patrimoniale. Cette diversification permet de réduire les risques liés aux changements législatifs tout en préservant des opportunités d’optimisation.
Recommandations pratiques pour les retraités actifs
Pour tirer le meilleur parti du PER dans le cadre du cumul emploi-retraite, plusieurs recommandations pratiques peuvent être formulées:
- Réaliser un audit fiscal complet intégrant l’ensemble des revenus et du patrimoine
- Établir une projection pluriannuelle des revenus attendus pendant la période de cumul
- Calibrer les versements sur le PER en fonction du taux marginal d’imposition
- Anticiper les besoins de liquidité à moyen terme pour éviter les sorties prématurées
- Réévaluer régulièrement la stratégie en fonction des évolutions législatives
La question du choix du PER revêt une importance particulière. Les critères à prendre en compte incluent les frais (sur versements, de gestion, d’arbitrage), la qualité et la diversité des supports d’investissement proposés, les options de sortie disponibles et la solidité financière du gestionnaire. Pour un retraité actif, la flexibilité des versements et des options de sortie constitue souvent un critère déterminant.
L’accompagnement par un conseiller spécialisé (expert-comptable, conseiller en gestion de patrimoine, avocat fiscaliste) peut s’avérer précieux pour élaborer et mettre en œuvre une stratégie véritablement personnalisée. Cet accompagnement est particulièrement pertinent lors des moments charnières: début du cumul emploi-retraite, modification substantielle des revenus, préparation à la cessation définitive d’activité.
La digitalisation croissante des services financiers offre par ailleurs de nouveaux outils de simulation et de gestion qui facilitent le pilotage de sa stratégie PER. Ces solutions permettent d’ajuster rapidement ses choix en fonction de l’évolution de sa situation personnelle et du contexte fiscal.
En définitive, l’optimisation fiscale du PER dans le cadre du cumul emploi-retraite requiert une approche à la fois rigoureuse et souple, ancrée dans une vision patrimoniale globale et prospective. C’est à cette condition que ce dispositif peut pleinement jouer son rôle d’outil d’optimisation fiscale et de préparation de l’avenir.
