Le droit aux permissions de sortie pour visite familiale : recours face à un refus inexpliqué

Les permissions de sortie constituent un droit fondamental pour les personnes détenues, leur permettant de maintenir des liens familiaux essentiels à leur réinsertion future. Pourtant, de nombreux détenus se heurtent à des refus qui ne sont pas ou peu motivés par l’administration pénitentiaire, créant ainsi un sentiment d’arbitraire et d’injustice. Cette situation soulève d’importantes questions juridiques quant au respect des droits des personnes incarcérées et aux voies de recours disponibles. Face à un refus inexpliqué de permission pour visite familiale, les détenus disposent de plusieurs leviers juridiques, mais se trouvent souvent démunis dans un système où l’équilibre entre sécurité et droits individuels reste précaire.

Le cadre juridique des permissions de sortie : entre droit et privilège

Les permissions de sortie s’inscrivent dans un cadre juridique précis, défini principalement par le Code de procédure pénale dans ses articles 723-3 et suivants. Ces dispositions établissent que les permissions de sortie peuvent être accordées aux condamnés qui ont exécuté une partie suffisante de leur peine, généralement la moitié pour les primo-délinquants et les deux tiers pour les récidivistes. L’objectif affiché par le législateur est double : favoriser le maintien des liens familiaux et préparer la réinsertion sociale.

Il convient de distinguer les différents types de permissions de sortie. Les permissions pour maintien des liens familiaux font partie de la catégorie des permissions pour « circonstances familiales« , qui peuvent être accordées en cas d’événement familial grave (décès, maladie) ou simplement pour maintenir des relations avec les proches. La loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 a renforcé cette dimension en reconnaissant explicitement l’importance du maintien des liens familiaux comme facteur de réinsertion.

Toutefois, malgré ce cadre apparemment protecteur, la jurisprudence du Conseil d’État et de la Cour européenne des droits de l’homme a constamment rappelé que les permissions de sortie ne constituent pas un droit absolu mais une mesure soumise à l’appréciation de l’autorité compétente. L’arrêt Plathey c. France du 10 novembre 2011 a ainsi confirmé que les États disposent d’une marge d’appréciation dans l’octroi de ces permissions.

La décision d’octroi relève de la compétence du juge de l’application des peines (JAP), qui statue après avis de la commission d’application des peines (CAP). Cette commission, composée du procureur de la République, du chef d’établissement et de représentants de l’administration pénitentiaire, émet un avis consultatif qui, bien que non contraignant, influence fortement la décision finale.

Les critères légaux d’octroi sont multiples et parfois imprécis, ce qui laisse une large marge d’appréciation aux autorités. Parmi ces critères figurent :

  • Les garanties de représentation (hébergement, ressources)
  • Le comportement du détenu en détention
  • Les efforts de réinsertion
  • Le risque de trouble à l’ordre public
  • Le risque de commission de nouvelles infractions

Cette marge d’appréciation, si elle est nécessaire pour adapter les décisions aux situations individuelles, peut aussi constituer la porte ouverte à des refus insuffisamment motivés. La circulaire du 26 décembre 2007 relative aux permissions de sortie insiste pourtant sur la nécessité de motiver les décisions de refus, en application des principes généraux du droit administratif et de l’article L.211-5 du Code des relations entre le public et l’administration.

L’exigence de motivation des refus : analyse juridique

L’obligation de motiver les décisions administratives défavorables est un principe fondamental du droit administratif français, consacré par la loi du 11 juillet 1979, désormais codifiée dans le Code des relations entre le public et l’administration. Cette obligation s’applique pleinement aux décisions de refus de permission de sortie, qui constituent des décisions administratives individuelles défavorables.

La motivation exigée doit être écrite et comporter l’énoncé des considérations de droit et de fait qui fondent la décision. Elle doit être suffisamment précise et circonstanciée pour permettre au détenu de comprendre les raisons du refus et, le cas échéant, de contester efficacement cette décision. Le Conseil d’État, dans sa décision du 9 décembre 2015 (n°383712), a rappelé que l’absence ou l’insuffisance de motivation constitue un vice de forme entachant la légalité de la décision.

Dans la pratique judiciaire, l’analyse de la jurisprudence révèle plusieurs types de motivations considérées comme insuffisantes :

  • Les motivations stéréotypées ou « pré-imprimées »
  • Les motivations se limitant à reprendre les termes de la loi sans application au cas d’espèce
  • Les motivations contradictoires ou manifestement erronées
  • Les motivations fondées sur des éléments factuels non établis

À l’inverse, sont généralement considérées comme suffisantes les motivations qui s’appuient sur des éléments concrets et vérifiables tels que le comportement du détenu en détention (incidents disciplinaires), l’absence de projet de réinsertion crédible, ou l’existence d’un risque avéré de trouble à l’ordre public.

La Cour de cassation, dans un arrêt du 15 avril 2015 (n°14-80417), a précisé que si le JAP dispose d’un pouvoir d’appréciation, celui-ci ne le dispense pas de l’obligation de motiver sa décision de manière circonstanciée. De même, la Cour européenne des droits de l’homme, bien qu’elle reconnaisse la marge d’appréciation des États en matière pénitentiaire, exige que les restrictions aux droits des détenus soient justifiées par un besoin social impérieux et proportionnées au but légitime poursuivi (arrêt Dickson c. Royaume-Uni du 4 décembre 2007).

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L’examen des pratiques révèle néanmoins un écart significatif entre ces principes et leur application. Une étude menée par l’Observatoire International des Prisons en 2019 a mis en évidence que près de 40% des refus de permission analysés présentaient des motivations insuffisantes ou stéréotypées. Cette situation s’explique en partie par la charge de travail des JAP, qui doivent traiter un volume considérable de demandes avec des moyens limités, mais elle traduit surtout une culture administrative où l’exigence de motivation reste parfois perçue comme une contrainte formelle plutôt que comme une garantie fondamentale pour les droits des détenus.

Les voies de recours face à un refus non motivé

Face à un refus de permission de sortie insuffisamment motivé, le détenu dispose de plusieurs voies de recours, tant administratives que juridictionnelles. La première étape consiste généralement à exercer un recours devant le président de la chambre de l’application des peines. Ce recours, prévu par l’article 712-11 du Code de procédure pénale, doit être formé dans les 24 heures suivant la notification de la décision par déclaration auprès du greffe de l’établissement pénitentiaire.

Le président de la chambre de l’application des peines dispose alors d’un délai de deux mois pour statuer, après avoir recueilli les observations écrites du ministère public et du condamné. Cette procédure présente l’avantage de la rapidité et de la simplicité, mais son efficacité reste limitée par son caractère non contradictoire et l’absence d’audience. Dans l’affaire Payet c. France (2011), la CEDH a d’ailleurs souligné les limites de ce recours qui ne permet pas toujours un examen approfondi des arguments du détenu.

En cas d’échec de ce premier recours, ou parallèlement à celui-ci, le détenu peut engager un recours pour excès de pouvoir devant le tribunal administratif. Ce recours, fondé sur l’illégalité de la décision pour défaut de motivation, doit être introduit dans un délai de deux mois suivant la notification de la décision. Il peut être accompagné d’une demande de référé-suspension (article L.521-1 du Code de justice administrative) si l’urgence le justifie, par exemple lorsque la permission sollicitée concerne un événement familial imminent.

La jurisprudence administrative a progressivement précisé les contours du contrôle exercé sur les décisions de refus de permission. Dans un arrêt du 14 décembre 2007 (Planchenault, n°290420), le Conseil d’État a jugé que si le juge administratif n’a pas à substituer son appréciation à celle du JAP, il doit néanmoins vérifier que la décision n’est pas entachée d’erreur de droit, d’erreur manifeste d’appréciation ou de détournement de pouvoir.

Une troisième voie, plus rarement utilisée mais potentiellement efficace, consiste à saisir le Défenseur des droits. Cette autorité indépendante, instituée par la révision constitutionnelle de 2008, peut intervenir en cas de dysfonctionnement des services publics ou d’atteinte aux droits des usagers. Le Défenseur des droits dispose de pouvoirs d’investigation et peut adresser des recommandations à l’administration pénitentiaire. Bien que ses décisions ne soient pas juridiquement contraignantes, elles exercent une pression institutionnelle significative.

  • Recours devant le président de la chambre de l’application des peines (24h)
  • Recours pour excès de pouvoir devant le tribunal administratif (2 mois)
  • Référé-suspension en cas d’urgence
  • Saisine du Défenseur des droits

En dernier ressort, après épuisement des voies de recours internes, le détenu peut envisager une requête devant la Cour européenne des droits de l’homme, notamment sur le fondement des articles 6 (droit à un procès équitable), 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) ou 13 (droit à un recours effectif) de la Convention européenne des droits de l’homme. Cette juridiction a développé une jurisprudence substantielle sur les droits des détenus, bien qu’elle reconnaisse généralement une large marge d’appréciation aux États dans l’organisation de leur système pénitentiaire.

L’impact du refus sur le maintien des liens familiaux et la réinsertion

Le refus inexpliqué d’une permission de sortie pour visite familiale ne constitue pas seulement une question juridique ; il engendre des conséquences psychologiques et sociales considérables pour le détenu et sa famille. De nombreuses études en criminologie et en sociologie carcérale ont démontré l’importance cruciale du maintien des liens familiaux dans le processus de réinsertion.

Une recherche menée par l’Institut national d’études démographiques en 2016 a établi une corrélation significative entre le maintien de contacts réguliers avec la famille pendant l’incarcération et la diminution du risque de récidive. Selon cette étude, les détenus ayant bénéficié de permissions de sortie régulières présentaient un taux de récidive inférieur de 20% à ceux qui en avaient été privés. Ces résultats confirment les travaux précurseurs du criminologue Alain Bauer qui, dès 2010, soulignait que « l’isolement familial constitue l’un des facteurs criminogènes les plus puissants ».

Sur le plan psychologique, le refus inexpliqué d’une permission génère un sentiment d’injustice et d’arbitraire qui peut compromettre l’adhésion du détenu à son parcours de détention. Le psychiatre Christophe Dejours, spécialiste de la souffrance au travail et en milieu carcéral, a mis en évidence les mécanismes de désengagement et de résistance passive qui peuvent résulter d’un sentiment d’injustice procédurale. Ce phénomène, qu’il qualifie de « retrait défensif », se traduit souvent par un refus de participer aux activités proposées en détention et par une méfiance accrue envers l’institution.

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Pour les familles, les conséquences sont tout aussi significatives. Une enquête réalisée par l’association Uframa (Union des fédérations régionales des associations de maisons d’accueil des familles et proches de personnes incarcérées) auprès de 2000 familles de détenus a révélé que 74% d’entre elles considéraient les refus de permission comme l’une des principales sources de souffrance et d’incompréhension. Ces refus, lorsqu’ils ne sont pas explicités, alimentent un sentiment d’impuissance et de relégation sociale qui fragilise l’ensemble du système familial.

Les enfants de détenus constituent une population particulièrement vulnérable. Selon un rapport du Comité des droits de l’enfant des Nations Unies, la séparation prolongée d’avec un parent incarcéré peut avoir des effets délétères sur le développement affectif et cognitif de l’enfant. Ces effets sont amplifiés lorsque les occasions de contact, comme les permissions de sortie, sont refusées sans explication compréhensible. Le pédopsychiatre Maurice Berger a documenté les manifestations cliniques de cette souffrance : troubles anxieux, difficultés scolaires, comportements régressifs ou agressifs.

Sur le plan sociétal, le coût économique de ces ruptures familiales est considérable. Une étude de l’École d’Économie de Paris a évalué à plus de 50 000 euros par détenu le coût social indirect des ruptures familiales en termes de prise en charge des conséquences (aide sociale à l’enfance, soins psychiatriques, échec scolaire). À l’inverse, le maintien des liens familiaux constitue un facteur protecteur qui facilite l’accès au logement et à l’emploi après la libération.

Ces données scientifiques et sociologiques soulignent l’importance d’une approche équilibrée des permissions de sortie, qui tienne compte à la fois des impératifs de sécurité et des besoins fondamentaux de maintien des liens familiaux. Elles invitent à une réflexion approfondie sur les pratiques administratives en matière de motivation des refus, afin que ceux-ci, lorsqu’ils sont nécessaires, puissent être compris et acceptés par les détenus et leurs familles.

Vers une réforme nécessaire : propositions et perspectives

Face aux insuffisances du système actuel, plusieurs pistes de réforme méritent d’être envisagées pour concilier les exigences de sécurité publique avec le respect des droits des détenus et l’efficacité de la réinsertion. Ces propositions s’inscrivent dans une réflexion plus large sur la modernisation de notre système pénitentiaire et judiciaire.

Une première piste consisterait à renforcer l’obligation de motivation des décisions de refus en établissant des critères plus précis et des grilles d’analyse standardisées. Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, dans son rapport annuel de 2020, préconisait l’adoption d’un référentiel détaillé qui guiderait les JAP dans la rédaction de leurs décisions. Ce référentiel pourrait s’inspirer des pratiques en vigueur dans les pays scandinaves, notamment en Norvège, où chaque refus doit faire l’objet d’une motivation structurée autour de critères prédéfinis et pondérés.

Une deuxième proposition viserait à instaurer un mécanisme de motivation contradictoire préalable à la décision définitive. Concrètement, avant de notifier un refus, le JAP communiquerait au détenu un projet de décision motivée, lui permettant de présenter ses observations dans un délai bref. Cette procédure, inspirée du modèle allemand du Vorverfahren (procédure préliminaire), permettrait d’améliorer la qualité des décisions tout en réduisant le nombre de recours contentieux.

Sur le plan institutionnel, la création d’une instance de médiation spécialisée dans les questions pénitentiaires constituerait une avancée significative. Cette instance, distincte du Défenseur des droits mais travaillant en coordination avec lui, pourrait intervenir rapidement en cas de refus contesté et proposer des solutions alternatives. Une expérimentation menée dans la région Auvergne-Rhône-Alpes entre 2018 et 2020 a démontré l’efficacité d’un tel dispositif, avec un taux de résolution amiable des conflits supérieur à 60%.

L’amélioration de la formation des magistrats constitue un autre axe de réforme prioritaire. L’École Nationale de la Magistrature pourrait développer un module spécifique consacré à la rédaction des décisions en matière d’application des peines, mettant l’accent sur les techniques de motivation et sur l’impact psychosocial des refus de permission. Cette formation pourrait être complétée par des stages d’immersion dans des structures d’accompagnement des familles de détenus.

Sur le plan législatif, plusieurs modifications du Code de procédure pénale pourraient être envisagées :

  • L’introduction d’une présomption favorable à l’octroi des permissions pour visite familiale lorsque certaines conditions objectives sont remplies
  • L’allongement du délai de recours contre les décisions de refus (porté à 5 jours au lieu de 24 heures)
  • L’instauration d’un recours suspensif pour certaines catégories de permissions liées à des événements familiaux importants
  • La création d’un statut spécifique pour les permissions liées au maintien des liens parentaux

Ces réformes législatives pourraient s’inspirer des recommandations du Conseil de l’Europe, notamment de la Recommandation CM/Rec(2018)5 relative aux enfants de détenus, qui invite les États membres à faciliter les contacts entre les parents incarcérés et leurs enfants.

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Enfin, le développement des alternatives aux permissions traditionnelles mérite d’être exploré. Les expériences menées dans plusieurs pays européens montrent l’intérêt des dispositifs de visioconférence pour les événements familiaux, des unités de vie familiale hors les murs, ou encore des permissions accompagnées par des médiateurs familiaux. Ces dispositifs, qui offrent des garanties de sécurité renforcées, pourraient constituer une réponse adaptée aux situations où une permission classique présenterait des risques trop importants.

La mise en œuvre de ces réformes nécessiterait un investissement financier significatif, mais celui-ci doit être mis en perspective avec les économies réalisées à long terme grâce à une meilleure réinsertion des détenus et à la prévention de la récidive. Selon une étude de l’Institut de recherche criminologique, chaque euro investi dans les programmes de maintien des liens familiaux génère une économie de quatre euros en coûts sociaux évités.

Le rôle déterminant du droit au recours effectif

Au-delà des aspects procéduraux et institutionnels, la question des refus inexpliqués de permissions de sortie soulève un enjeu fondamental : celui de l’effectivité du droit au recours, pilier de l’État de droit et garantie contre l’arbitraire administratif. Ce droit, consacré par l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’homme et par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, revêt une importance particulière en milieu carcéral, où les rapports de pouvoir sont structurellement déséquilibrés.

La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme a progressivement précisé les contours de cette notion de recours effectif dans le contexte pénitentiaire. Dans l’arrêt Ramirez Sanchez c. France (2006), la Cour a souligné que l’effectivité du recours suppose non seulement son existence formelle, mais aussi son accessibilité pratique et son efficacité réelle. Or, l’analyse des recours disponibles contre les refus de permission révèle plusieurs obstacles à cette effectivité.

Le premier obstacle réside dans la brièveté du délai de recours devant le président de la chambre de l’application des peines (24 heures). Ce délai, particulièrement court au regard des contraintes du milieu carcéral, ne permet souvent pas au détenu de consulter un avocat ou de préparer une argumentation structurée. Une étude menée par l’Observatoire International des Prisons en 2018 a révélé que près de 40% des détenus renonçaient à exercer ce recours en raison de sa complexité et du délai contraignant.

Le deuxième obstacle tient à l’absence de caractère suspensif des recours. Dans la majorité des cas, l’exercice d’un recours n’empêche pas l’application immédiate de la décision de refus, ce qui peut rendre le recours sans objet lorsque la permission sollicitée concerne un événement daté (anniversaire, cérémonie familiale). Cette situation a été critiquée par le Comité contre la torture des Nations Unies dans ses observations finales sur la France en 2016, qui appelait à l’instauration d’un mécanisme de sursis à exécution automatique en cas de recours.

Le troisième obstacle concerne l’accès à l’aide juridictionnelle et à l’assistance d’un avocat. Bien que théoriquement accessible aux détenus, l’aide juridictionnelle se heurte à des difficultés pratiques : délais d’instruction des demandes, complexité des formulaires, difficulté à trouver un avocat acceptant d’intervenir pour ce type de contentieux. La Commission nationale consultative des droits de l’homme a recommandé en 2019 la création d’un dispositif d’assistance juridique spécifique pour les détenus, incluant des permanences d’avocats spécialisés au sein des établissements pénitentiaires.

Face à ces obstacles, plusieurs juridictions ont développé une jurisprudence protectrice. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 14 juin 2019 (n°2019-791 QPC), a consacré le droit à un recours juridictionnel effectif contre toutes les décisions affectant les droits des détenus. De même, le Conseil d’État, dans son arrêt Section française de l’OIP du 27 janvier 2021, a élargi les conditions de recevabilité du référé-liberté en matière pénitentiaire, reconnaissant que certaines atteintes aux droits des détenus peuvent constituer des atteintes graves et manifestement illégales à une liberté fondamentale.

Ces avancées jurisprudentielles demeurent toutefois insuffisantes sans une réforme structurelle du système de recours. Plusieurs pistes peuvent être envisagées :

  • L’allongement du délai de recours administratif à 5 jours ouvrables
  • L’instauration d’un effet suspensif automatique pour certaines catégories de permissions
  • La création d’une procédure d’urgence spécifique devant le JAP
  • Le développement de l’aide à la rédaction des recours au sein des points d’accès au droit en détention

Ces réformes s’inscriraient dans la continuité des recommandations du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe sur les recours effectifs en matière pénitentiaire (Recommandation CM/Rec(2016)3).

Au-delà des aspects techniques, l’amélioration de l’effectivité des recours passe par un changement de paradigme dans l’appréhension des droits des détenus. Comme le soulignait le professeur Martine Herzog-Evans, spécialiste du droit de l’exécution des peines, « la reconnaissance d’un véritable droit au recours effectif implique de cesser de considérer les détenus comme des usagers captifs d’un service public pour les considérer comme des sujets de droit à part entière ».

Cette évolution suppose une formation renforcée des personnels pénitentiaires et judiciaires aux droits fondamentaux, mais aussi une sensibilisation du grand public aux enjeux de la réinsertion. Les expériences menées dans plusieurs pays européens, notamment en Allemagne et aux Pays-Bas, montrent qu’une approche fondée sur le respect scrupuleux des droits procéduraux des détenus contribue non seulement à pacifier les relations en détention mais aussi à améliorer l’efficacité des politiques de réinsertion.